Toulouse : pourquoi il faut se battre contre la fusion des universités

Le 16 Janvier 2017, le conseil d’administration de l’université Paul Sabatier a enteriné sa participation au projet de fusion des établissement d’enseignement supérieur Toulousains.  C’est derrière deux cordons de sécurité que s’est tenue cette réunion, par crainte des perturbations qu’auraient pu occasionner les opposants au projet. Cette semaine, l’Université Jean Jaurès et l’Université Fédérale de Toulouse s’apprêtent à en faire de même, toujours sous haute tension. Le but de cette opération de fusion :  récupérer le label IDEX, avec à la clé 25 millions d’euros par an, et la promesse d’une plus grande “visibilité” internationale. Mais alors pourquoi tant d’opposition à cette démarche ?
Rappelons pour commencer que le budget annuel cumulé des établissements concernés est de l’ordre du millards d’euros. Les 25 millions de l’IDEX représenteront donc une goutte d’eau. Cela est d’autant plus négligeable si l’on considère l’augmentation des effectifs étudiants : plus de 10% an dix ans, alors que le budget a stagné. Rien que pour compenser cette hausse démographique, ce sont donc des centaines de millions d’euros par an qu’il faudrait dégager, pour espérer accueillir décemment les étudiants (et je ne vous parle pas du budget supplémentaire qu’il faudrait pour remettre en état les locaux).
tumblr_ng64icchut1u3ajg5o1_1280
Amphi Curie, Université Paul Sabatier. Photo : tien-tran.com
Mais, me direz-vous, si l’on peut déjà récupérer 25 millions ce sera mieux que rien. C’est précisément sur cette corde sensible que jouent nos dirigeants. Mais la vigilance doit être de mise, car pour obtenir le saint IDEX, il va falloir « rentrer dans le rang », et quand je parle de rang, il s’agit de celui qu’on nous attribuera dans le classement de Shangai. En effet, comme en témoignent les documents de l’administration, l’objectif premier de cette fusion est de gagner des places dans ce classement, pour accroitre la visibilité internationale de l’université de Toulouse (voir aussi ici l’argumentaire selon lequel « il vaut mieux figurer dans les classements que ne pas y figurer »). Le classement de Shangai est pourtant largement critiqué par le monde académique lui-même, notamment car il ignore totalement l’enseignement et se base sur quelques critères comme le nombre de publications dans Nature et Science ou le nombre de prix Nobels. De plus, on est en droit de se demander si l’attractivité internationale se doit d’être la priorité absolue quand nos universités n’arrivent même pas à accueillir correctement les étudiants de la région ! L’objectif d’une « université de rang mondial » qui nous est sans cesse rabâché ignore donc totalement les besoins réels et urgents qui sont ceux de nos établissements, comme l’augmentation du taux d’encadrement par le recrutement de personnels permanent, ou la remise en état des locaux
c16izt7xuamggfa-jpg-large
Structure proposée pour la future université « fusionnée ». Schéma extrait de la « feuille de route » 
Mais l’aspect le plus inquiétant concerne le fonctionnement même du produit de la fusion… Comme dans le cas de la combustion, la fusion n’est propre que si elle est complète. Or l’université Toulouse 1 Capitole (et sa célèbre Toulouse School of Economics) a décidé de ne pas être de la partie… Ni Supaero, ni l’ENAC… Ils seront néanmoins rattachés à l’établissement en faisant partie du “deuxième cercle” (voir schéma ci-dessus). Les écoles d’ingénieurs et Paul Sabatier seront elles réunies sous le label “Toulouse Tech”… Bref, c’est une véritable usine à gaz qui est en construction, dont le coût de fonctionnement risque bien de se rapprocher de ce qui sera attribué grâce au label IDEX, et dont la lourdeur administrative pèsera sans nul doutes sur l’ensemble des personnels. Quand à la visibilité internationale, on peut légitimement s’interroger sur son succès vu la complexité et le manque de lisibilité offerts par le projet.
Enfin, et c’est peut-être là le point le plus grâve, par l’acte de fusion, les établissements sont condamnés à perdre leur personnalité juridique et à se soumettre au bon vouloir d’un conseil d’administration suprême, constitué pour près de la moitié de membres extérieurs nommés. C’est donc la fin du fonctionnement démocratique des universités où l’immense majorité des sièges du conseil d’administration sont actuellement attribués par le biais d’élections impliquant personnels et étudiants.
Plutôt que de se battre pour un modèle d’université démocratique ou pour obtenir les budgets nécessaires à leur bon fonctionnement, les dirigeants des établissements se sont rangés à la cause insignifiante que constitue la reconquête de l’IDEX. Cette reconquête s’appuie sur des outils qu’il convient de nommer propagande : “feuilles de routes” ,  sites-webs, présentations power-point, dont le contenu est constitué de diagrammes abrutissant dans un emballage combinant novlangue de “l’excellence » et jargon de responsable en management. Cette attitude, qui, sur le fond comme sur la forme semble mépriser tout type de reflexion intellectuelle, condamne les universités Toulousaines à un avenir sombre, et promet de nombreux jeunes à un futur plus qu’incertain.
Comment se battre contre ce projet ?
En signant la pétition lancée par une large intersyndicale ici et/ou en participant aux contestations qui auront lieu lors des prochains conseils d’administration :
  • 24 Janvier 2017 : CA de l’Université Toulouse – Jean Jaurès
  • 26 Janvier 2017 : CA de l’INP Toulouse, de l’INSA Toulouse et de l’Université Toulouse Capitole
  • 27 Janvier 2017 : CA de l’Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées.

 

ADDENDUM : message des syndicats le 23-01-2017

le 24 Janvier le processus de Fusion UT3-UT2 va être voté à nouveau au CA de UT2 (Université Toulouse Jean-Jaurés- Ex Mirail).
Les syndicats et organisations en lutte de ce site, ont prévu une manifestation dés 8h00-8h30 devant la présidence UT2.
Pour UT3, un préavis de gréve a été posé pour la journée afin de vous permettre de participer à cette manifestation pour marquer votre refus à ce projet!
Document

Vers une université intégrée de rang mondial, CA de l’université fédérale midi-pyrénées : point-3_reconquete-idex_pr_ca-30-09-2016-1